Malcolm X de retour au cinéma : « … car personne ne peut être en paix tant qu’il n’est pas libre. »
- Hugo Lafont
- 27 nov. 2024
- 3 min de lecture
Le retour en salles du film Malcolm X ce 27 novembre, chef-d’oeuvre signé Spike Lee sorti initialement en 1992 aux États-Unis, ne peut être ignoré. Figurant au panthéon des biopics les plus essentiels de tous les temps, la vie de Malcolm Little sert de rappel nécessaire à l’urgence des questions de justice sociale, d’identité et de résistance que tendent à dédaigner les gouvernements actuels. En réexaminant cette figure complexe, le visionnage sur grand écran de Malcolm X nous invite à mesurer l’impact de son message sur notre époque troublée.

Dès sa sortie, Malcolm X fut considéré comme un film d’envergure historique, à la fois pour son ambition artistique comme pour sa vision politique. Spike Lee - collaborant pour la seconde fois avec Denzel Washington après Mo’ Better Blues - y déploie toute sa maestria narrative et esthétique pour retracer la trajectoire hors normes de Malcolm Little, un homme transformé par son expérience de la marginalisation et de l’injustice, devenant une figure phare de la lutte pour les droits civiques.
Le film, long de plus de trois heures, se distingue par sa capacité à avoir su embrasser tous les paradoxes et illuminations de son protagoniste : délinquant devenu penseur, voix radicale critiquée par certains mais adulée par d’autres, défenseur d’une émancipation aux enjeux trop souvent mal compris et invisibilisés. Ce récit épique est sublimé par la performance magistrale de Denzel Washington (actuellement à l’affiche de Gladiator 2 de Ridley Scott), dont l’interprétation de Malcolm X reste gravée dans les mémoires comme le meilleur rôle de l’acteur multi-oscarisé.
Le retour de Malcolm X à l’écran ne saurait mieux tomber. Choix audacieusement jouissif d’une reprogrammation, le film résonne plus que jamais en cette décennie où les fractures sociales et les inégalités raciales continuent de dominer les débats. Plus qu’un simple témoignage historique d’une figure devenue icône, l’oeuvre de Spike Lee illustre directement les dynamiques de notre époque marquée par l’absolue nécessité du mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, des appels croissants à la justice climatique et des revendications d’une véritable équité sociale. Ces luttes, bien qu’ancrées dans des réalités modernes d’une quête du droit d’exister du peuple et des minorités, trouvent une résonance dans les discours aux portées « désaliénantes » de Malcolm X sur la dignité, l’émancipation et la lutte contre l’oppression systémique.
« Paix et liberté ne peuvent être séparées, car personne ne peut être en paix tant qu’il n’est pas libre. »
- Malcolm X
La pertinence tristement intemporelle du film tient à son exploration diligente des mécanismes d’injustice, d’aliénation et de stigmatisation qu’un siècle d’histoire et de révoltes n’aura su défaire. Les violences policières, les discriminations sociales et économiques, l’admonestation des identités minoritaires évoquées dans Malcolm X et dans la vie même de Malcolm restent des réalités palpables quotidiennes. Remémorant la complexité de la résistance face à un système coercitif, le film pose la question enragée à son public de comment transformer la colère en véritable levier de changement. Jusqu’où devra-t-elle aller pour démolir de l’intérieur les iniquités ?
À travers le parcours kafkaïen et incomparable de Malcolm X, le film nous renvoie à l’urgence de repenser nos priorités collectives. Dans un monde où la rhétorique de division semble l’emporter, où les vertus prétendument désaliénantes de la société contemporaine ultra-libérale engagent finalement une ré-aliénation de nos comportements vis-à-vis d’autrui, il offre un modèle de bravoure intellectuelle et de radicalité réfléchie pour une transformation intrinsèque de nos façons de s’engager, dans l’espoir de voir l’avènement d’une société repensée du tout au tout, de fond en comble, sous l’égide d’une justice sociale réelle et véritable.

Cette rediffusion est une opportunité rare de vivre le plus sensoriellement possible cette expérience de la lutte sur grand écran. Que l’on puisse à notre tour penser à la substance propre de nos combats. Avec sa force narrative, son esthétique soignée et son propos percutant, le film s’impose comme un classique indémodable - en quête de ne plus l’être - nous poussant à réfléchir sur ce que nous sommes prêts à défendre. À l’heure où les voix marginalisées continuent de réclamer justice, revoir Malcolm X s’impose comme un acte de résistance à l’heure du grand spectacle et du divertissement. Il est de l’engagement de quiconque de penser à la paix et à la liberté de son prochain, elles qui ne « peuvent être séparées, car personne ne peut être en paix tant qu’il n’est pas libre. » À nous de tenter d’enfin les unifier.
Malcolm X est à retrouver à partir d’aujourd’hui au cinéma dans toute la France jusqu’au 3 décembre.
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