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Rencontre avec Silvia Saint-Martin : Danser passionnellement

  • Chiara Groux
  • 24 févr.
  • 12 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 mars

Il existe des lieux qui figent dans le temps histoires, rêves et légendes. Le Palais Garnier en est l’un des plus illustres exemples. Depuis 150 ans, il incarne la grandeur de la culture française, un temple où l’exigence artistique tutoie la grâce et la discipline. Pensé par Charles Garnier, il symbolise un sanctuaire de l’art où des générations d’artistes ont laissé leur empreinte. 


C’est une chance rare et précieuse de voir s’ouvrir les portes de ce lieu emblématique, préservé et habituellement peu accessible au grand public. Pour l’interview, nous nous aventurons dans le dédale de l’Opéra : de longs couloirs où le temps semble suspendu, un parquet de bois qui grince sous les pas, des centaines de portes closes, toutes gardiennes de secrets (et de merveilles). Puis, après avoir gravi un escalier étroit, nous atteignons l’entrée du studio d’entraînement. Lorsque la porte s’ouvre, le spectacle est saisissant : une rotonde baignée de lumière, où d’immenses fenêtres ovales offrent une vue panoramique sur Paris. On y aperçoit la tour Eiffel comme repère familier dans un décor irréel. Nous avons le privilège d’être dans l’un des plus beaux studios de l’Opéra Garnier. Ici, chaque reflet sur le sol semble raconter l’histoire de ceux qui, avant nous, ont foulé cet espace d’entraînement et de création. Mais notre émerveillement ne fait que commencer.


Silvia Saint-Martin nous a fait l’honneur de nous dévoiler les coulisses de son métier, celui de Première Danseuse à l’Opéra de Paris. Discipline, endurance, persévérance, mais surtout passion rythment son quotidien exigeant. Dans quelques semaines, elle foulera la scène pour son prochain ballet, intitulé Sylvia de Manuel Legris , qui fera son entrée au répertoire de l’Opéra. Une œuvre dans laquelle elle incarnera Diane, déesse de la chasse et de la chasteté, figure puissante et envoûtante, symbole de liberté et de grâce.


© Pauline Mugnier





Culture is the New Black : On a souvent l’habitude de demander aux artistes que l’on rencontre quelle est leur humeur du moment. Comment te sens-tu aujourd’hui ?


Silvia Saint-Martin : Je me sens très joyeuse et combative ! Je suis dans une période d'évolution et donc je me sens de très bonne humeur et pleine de vie. 


CNB : Et combative par rapport à quoi ?


Silvia S.M : Combative par rapport à mon physique, à mon envie de travailler encore, plus, toujours, et d’atteindre des objectifs toujours plus hauts ! 


CNB : Est-ce que tu pourrais me raconter ton premier souvenir de danse ? 


Silvia S.M : Mon premier souvenir de danse remonte au primaire, lorsque j'étais au CP. On avait préparé un spectacle pour les parents avec tous les enfants, et moi, qui étais plutôt réservée et souvent dans mon coin, j’ai pris les choses en main comme jamais lors de la mise en place du spectacle dans le studio de danse. Je suis allée voir la maîtresse et je lui ai expliqué tout ce qu’on allait faire. C’est là que j’ai complètement changé. Ce moment a déclenché quelque chose en moi. Ce spectacle de danse, c’est vraiment là que ma passion est née. Après, tous les parents allaient voir les miens pour leur demander si je faisais déjà de la danse, etc. Ce spectacle a vraiment été un tournant pour moi. Ensuite, je dansais tout le temps, lors des fêtes de village, chez moi... je ne m’arrêtais jamais !


CNB : Est-ce que tu percevais plus la danse comme un art ou comme un sport à l’époque ?


Silvia S.M : Je ne me posais pas du tout la question. C’était simplement quelque chose d’inné, je dansais sans trop savoir pourquoi, sans savoir qu’il y avait un métier... Je n’étais au courant de rien. J’avais simplement envie de bouger, de danser, de m’amuser, ça m’animait. Je n’avais pas intellectualisé tout cela, simplement j’entendais de la musique et je me mettais à danser. Ma mère parfois prenait carrément peur, car je dansais comme si j’étais en transe, j’étais inarrêtable et je me fichais de tout dans ces moments-là. Je ne m’intéressais pas aux regards des autres, j’étais vraiment dans mon élément. 


CNB : Avais-tu déjà, à l’époque, des danseuses qui t’inspiraient ou servaient de modèle ?


Silvia S.M : Non, je ne viens pas du tout d’un milieu de danseur. J’ai vu pour la première fois le DVD du Lac des Cygnes hyper tard, donc je n’ai pas grandi avec ce genre de référence ! C’était vraiment inné chez moi. 


CNB : Comment devient-on danseuse professionnelle ? 


Silvia S.M : Devenir danseuse professionnelle, c’est un parcours qui commence assez tôt. Moi, j’ai commencé à 9 ans, et on me disait déjà que c’était un peu tard étant donné que la plupart des danseurs commencent vers 6 ou 7 ans. Me concernant, j’ai été prise à l’école de danse de l’Opéra de Paris, où j’y ai fait toutes mes classes. Ce n’est qu’après plusieurs années d’études et d’entraînements intensifs que tu atteins un certain niveau et que tu peux postuler dans une compagnie professionnelle. En plus, on est en sport-études, donc on a le lycée le matin et l’après-midi, on danse. Moi, j’ai réussi à aller jusqu’en terminale et passer mon bac, mais il arrive souvent que les danseurs intègrent la compagnie plus tôt, autour de 16 ans, donc sans avoir fini leur cursus. Ils peuvent le poursuivre, mais seulement par correspondance. Bref, pour devenir danseuse professionnelle, il faut beaucoup de travail, que ce soit dans une école ou un conservatoire, pour espérer intégrer un jour une compagnie professionnelle.



© Pauline Mugnier


CNB : Et toi c’était à quel âge que tu as atteint le statut professionnel à l’Opéra de Paris ? 


Silvia S.M : J’avais presque 18 ans. 


CNB : Qu’est-ce que ça représentait pour toi, l’Opéra de Paris ? 


Silvia S.M : Étant donné que j’étais danseuse à l’école de l’Opéra de Paris, il n’y avait à mes yeux que cela. C'était mon unique objectif même en grandissant, je n’avais que ça en tête !


CNB : Et quelle a été la réaction de ton entourage face à ton parcours ? 


Silvia S.M : Venant d’un milieu totalement différent, ça a été un vrai choc pour ma famille. Mes parents ont tout fait pour que je puisse entrer dans cette école, en trouvant les moyens financiers. Je viens de Province, et si l’enseignement de l’Opéra est gratuit, l’internat pour les non-Parisiens, les trajets en train, tout ça, c’était un gros sacrifice pour eux. Mais ils ont vraiment voulu me soutenir dans ce projet et m’aider à vivre mon rêve. Et moi, je n’avais que ça en tête, j’étais hyper déterminée. Même s’ils ne comprenaient pas trop ce milieu qui était si loin de notre quotidien, ils étaient super fiers de moi. Mon père, qui a toujours eu une fibre artistique, était particulièrement touché et a tout fait pour que je puisse poursuivre ma passion. Ma mère, elle, m’a soutenue quoi qu’il arrive !


CNB : Comment arrives-tu à maintenir une discipline au quotidien ?


Silvia S.M : Ça passe par un travail du corps quotidien. En vieillissant, tu as de plus en plus de difficultés physiques. Je parviens à contrer cela en faisant beaucoup d’exercices en amont du cours, je prépare toujours mon cours pour ne pas arriver froide. C’est un travail que tu fais avec des exercices de renforcements, de souplesse, de technique, et c’est cet ensemble qui te permet de garder un haut niveau. 


CNB : Et selon toi quelles sont les qualités essentielles pour être danseuse professionnelle ? 


Silvia S.M : Il faut vraiment avoir l’envie, la détermination et d’avoir le courage de ces décisions, d’aller chercher au plus profond de toi, si tu as envie de devenir une grande danseuse, ou atteindre tel rôle, il faut pouvoir te donner les moyens. Parfois la vie n’est pas tous les jours facile, tu peux te blesser, ça peut être un peu long, mais tu arrives à trouver des issues si tu n’abandonnes pas. 


CNB : La danse impose une rigueur extrême, aussi bien sur le plan physique que mental. Comment fais-tu pour surmonter les moments de doute ou de fatigue ?


Silvia S.M : Je suis bien entourée dans ma vie. Quand j’étais plus jeune, avant ma blessure, je me rendais pas forcément compte à quel point la danse faisait partie de mon identité. C’est plus qu’un métier, c’est qui tu es. Et quand j’ai eu cette blessure, ça a été un choc. C’était pas juste l’arrêt de mon travail, c’était comme si je perdais toute ma raison d’être, comme si mon identité m’échappait. C’était un vrai bouleversement, mais en même temps, ça m’a appris quelque chose de précieux : à être plus que juste une danseuse. Ça m’a poussée à m’intéresser à d’autres choses, à trouver d’autres moyens de m’apaiser et à ouvrir de nouveaux horizons. Aujourd’hui, ma vie est plus équilibrée. Bien sûr, la danse fait toujours partie de moi, mais j’ai aussi une vie à côté de l’Opéra, et je pense que c’est essentiel. Parce qu’au fond, pour être vraiment intéressante sur scène, tu dois avoir vécu des choses. Tu ne peux rien raconter si tu n’as rien expérimenté. Donc c’est important de se construire en dehors de cet univers pour pouvoir, après, s’y plonger totalement.


© Pauline Mugnier


CNB : Et cette blessure survenue en 2012, si je ne me trompe pas, a-t-elle freiné ta carrière ? Comment as-tu vécu cette épreuve ?


Silvia S.M : J’ai eu une blessure du jour au lendemain, et je n’ai pas du tout compris ce qui se passait. Ça a été très difficile, surtout parce que la convalescence a été longue. À l’époque, il n’y avait pas d’équipe médicale dédiée ici, donc j’étais vraiment seule pour gérer cette blessure. Ça a bouleversé beaucoup de choses, car j’étais encore une jeune danseuse. Je venais de passer à demi-soliste, donc j’étais maintenant sujet à l’Opéra de Paris, et je commençais enfin à obtenir des rôles intéressants. Et là, bam, tout s’est arrêté. C’était à un moment crucial, celui où tu commences à définir la direction de ta carrière.


CNB :  Tu avais quel âge à ce moment-là ?


Silvia S.M : Je venais d’avoir tout juste 21 ans. J’ai mis 3 ans à guérir. Il y a l’arrêt, puis il y a le retour, et il faut réapprendre à gérer ton nouveau corps. Ayant subi des opérations, j'ai du l'adapter aux changements, reprendre possession de ma technique, de mes sens, de ma force. Cela m'a pris énormément de temps. Et à l’Opéra, entre 21 et 27 ans, c'est le moment où tu forges ta carrière et ta trajectoire. Mais l’Opéra le prouve chaque jour : chaque carrière et chaque danseur évoluent différemment. Finalement, malgré cette blessure, je suis parvenue à tenir ont, à m'accrocher à mon rêve, et j'ai réussi à devenir Première Danseuse. J’avais cet objectif. Je devais continuer à rêver. Je n'ai rien lâché. 


CNB : Tu dis t’être nourrie de ce que tu as appris en dehors de l’univers du ballet. Qu’est-ce qui t’a fait grandir ? 


Silvia S.M : Mon entourage, tout simplement. Mes amis, mon amoureux, ma famille... Tout ce soutien-là que j’ai eu pour m’équilibrer et trouver de la force pour pouvoir reprendre avec un mental fort et déterminé. C'est notamment grâce à eux.


CNB : En 2020 tu as atteint le titre prestigieux de Première Danseuse. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que ça implique et qu’est-ce que ce titre représente pour toi ?


Silvia S.M : C’était un rêve pour moi d’être soliste à l’Opéra de Paris, et cette blessure a mis à mal ce rêve lorsqu'elle s'est produite. Pour moi, c’était impensable de ne pas atteindre cet objectif. Ce n’était pas juste un but, c’était un rêve. Je voulais absolument avoir l’opportunité de danser certains rôles que tu ne peux pas jouer quand tu es dans le corps de ballet. Être première danseuse à l’Opéra de Paris, c’est un honneur, mais c’est aussi une grosse responsabilité. Tu représentes la maison, tu représentes les autres solistes, et tu dois être à un certain niveau, capable d’interpréter des rôles avec talent et force. C’est quelque chose qu’on doit toujours avoir en tête. Tous les premiers danseurs ici savent qu’on représente une institution. L’Opéra de Paris a une renommée mondiale, et tu portes cette réputation sur tes épaules. C’est un niveau d’excellence qu’on doit être capable de tenir.


CNB : Le titre de Première Danseuse est une distinction prestigieuse, juste en dessous de celui d’Étoile. Est-ce un rêve pour toi d’atteindre ce sommet ?


Silvia S.M : Oui, ça l’a été, et ça le sera toujours. Mais j’ai eu une carrière compliquée, et ce qui m’a poussée, ce qui ne m’a jamais arrêtée, c’était de croire en mon évolution. Je voulais devenir la danseuse que j’ai toujours rêvé d’être, repousser mes limites. Et je pense que c’est ça, ma plus grande motivation : chercher à m’améliorer, toujours. C’est la chose la plus sincère que tu puisses faire en tant que danseuse. Après, je n’ai pas le contrôle total là-dessus, tout ce que je peux faire, c’est m’efforcer de devenir la meilleure version de moi-même, de chercher constamment à atteindre ce que je veux être en tant que danseuse.


CNB : Ce n’est pas un objectif en soi ? 


Silvia S.M : L’objectif le plus pur c’est d’atteindre qui je veux être en tant que danseuse. Et si un jour j’ai la chance d’avoir cette reconnaissance là, je pourrai m'estimer heureuse. 


CNB : Sur le rapport à la compétition, est-ce que c’est quelque chose que tu ressens dans tes années d’apprentissage ou dans ta carrière professionnelle ? 


Silvia S.M : Pour la petite histoire, il faut que je vous parle de ma meilleure amie, Marion Barbeau. On a passé tout notre temps à l’internat ensemble, on a fait toutes nos classes côte à côte. À la fin de chaque année, on était toujours première ou deuxième, et on alternait les rôles chaque année ! On aurait pu être rivales, mais ça ne s'est jamais passé comme ça. On ne voyait pas les choses de cette manière, bien au contraire, notre relation nous motivait à nous dépasser, mais de façon positive. Donc, pour moi, la compétition, c’est une expérience qui m’a poussée à avoir une amie aussi talentueuse.


CNB : La danse est à la fois un art et un sport, intimement lié à la quête de perfection. Penses-tu qu’il existe un but ultime à atteindre dans cet art, une forme de perfection absolue ? Ou s’agit-il plutôt d’un processus sans fin, une recherche constante d’amélioration et d’évolution ?


Silvia S.M : Alors, chaque danseur te répondra qu’il n’y a rien qui est parfait. Aucun geste ne peut l'être. Il est toujours améliorable, et tu peux toujours chercher à faire mieux. Quand tu penses avoir atteint la perfection, tu ressens une nouvelle envie, celle de susciter d’autres émotions chez les autres. Et là, tu changes encore ta pratique, tu ajustes ton intention. Donc non, la quête est infinie. Et je pense que c’est ça, le but de cet art, enfin de n’importe quel art en fait : provoquer des émotions, des sentiments chez le public. C’est quelque chose d’immesurable. On cherche à tendre vers la perfection technique et artistique, mais surtout pour pouvoir transmettre quelque chose et réveiller des sensations chez ceux qui nous regardent.



© Pauline Mugnier


CNB : A quel moment ressens-tu le plus profondément la beauté de ton art ? 


Silvia S.M : Je la ressens quotidiennement. J’ai la chance d’être entourée de beaucoup de talents, de danseurs incroyables, donc je cotoie cette beauté chaque jour. Mais pour ce qui est de ma propre expérience, je me sens en harmonie avec le moment, la musique, le travail que j’essaie de faire. Et ça, ça déclenche des émotions fortes chez moi.


CNB : Le parcours à l’Opéra de Paris est reconnu pour sa rigueur et son niveau d’excellence. C’est quelque chose qui peut être critiqué au niveau de l’approche qui est considéré comme très sélective. Est-ce que toi tu as ressenti cette pression de la sélection, et est-ce que tu penses que c’est quelque chose qui impacte les danseurs et les danseuses au début de leur carrière ? 


Silvia S.M : L’école de l’Opéra de Paris a longtemps été perçue comme une institution exigeante et dure dans le mauvais sens du terme, mais cette notoriété a énormément changé et évolué. Il y a beaucoup plus de bienveillance aujourd’hui. Je vois les jeunes générations à l’école de danse, et elles semblent moins traumatisées que celles d’avant, quand ce n’était pas toujours facile. Aujourd’hui, les enfants sont bien entourés. La rigueur est toujours là, mais elle est utilisée pour les aider à atteindre leurs objectifs. Tout le monde cherche à être au meilleur de soi-même dans notre art. Je pense donc que les choses ont vraiment évolué dans le bon sens. La sélection reste difficile, mais elle est sélective de manière positive.


CNB : Est-ce que tu penses que l’Opéra pourrait encore évoluer au niveau de la sélection, être plus inclusive ? Est-ce qu’il y a encore des marges d’amélioration selon toi ? 


Silvia S.M : Il y a encore des marges d’amélioration, c’est clair, mais les choses ont vraiment évolué ces dernières années, et c’est super qu’on soit de mieux en mieux représenté·es de ce côté-là. Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais l’Opéra s’ouvre, et c’est vraiment génial.


CNB : Au niveau de l’institution, est-ce que toi tu as ressenti une tension entre ta liberté artistique et les attentes institutionnelles de l’Opéra ? 


Silvia S.M : Non, pas dans ce sens-là. Je ne suis pas danseuse étoile, donc j’ai peut-être moins ce genre de préoccupations, mais non, pas vraiment.


CNB : Et tu seras à l’affiche du prochain ballet Sylvia, du 8 mai au 4 juin ici-même à l’Opéra Garnier.  Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour ce prochain ballet ? 


Silvia S.M : On peut me souhaiter de donner de beaux spectacles dans le rôle de Diane, cette pécheresse magnifique, et j'espère que je vais réussir à faire une belle série ! Je pense que je vais beaucoup danser, donc il faut me souhaiter de réussir à gérer tous ces spectacles et de pouvoir danser comme je l'entends !


© Pauline Mugnier


Silvia Saint-Martin jouera le rôle de Diane dans le spectacle “Sylvia”, de Manuel Legris, du 08 mai au 04 juin 2024, à l’Opéra Garnier. 

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