Rencontre hors du temps avec Paul Pascot et Vassili Schneider.
- Victoire Boutron
- 8 janv.
- 24 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 janv.

C’est une rencontre rare, presque magique, qui s’est jouée dans un café intimiste en face du Théâtre du Petit Saint-Martin. Paul Pascot et Vassili Schneider, les âmes vibrantes derrière La prochaine fois que tu mordras la poussière, adaptation scénique du livre de Panayotis Pascot, nous ont ouvert les portes d’un univers aussi fascinant qu’intense. D’humeur à écouter du jazz et du James Blake, ils se sont livrés comme jamais sur leur intimité, dévoilant des confidences profondes et des réflexions lumineuses sur leur art et leur vision de l’avenir. Pendant plus de trois heures, le temps a semblé suspendu, tant leur complicité mêlée à leur passion pour le théâtre ont illuminé l’échange. Entre éclats de rire, instants de profondeurs et moments suspendus, cette conversation exceptionnelle nous a offert une immersion rare dans l’esprit de deux artistes habités, prêts à mordre à pleines dents dans 2025.
CNB : Paul, il a fallu attendre la douzième fois avant que vous acceptiez de mettre en scène le livre de votre frère, que vous aviez refusé de lire au départ. Qu’est-ce qui vous a finalement convaincu ?
Paul Pascot : La puissance de son écriture, la force de ses images et la prise de conscience que ce qu’il avait écrit, il l’avait aussi écrit pour nous. On est six frères et sœurs, et c’est le premier à essayer de dire ce qu’on n’arrive pas à exprimer. Ce qui faisait écho à mon expérience, au-delà de mon accompagnement dans sa dépression, c’était la relation au père. Même si on a 8 ans d’écart, on a le même père, et il décrit très bien ce qui n’est pas dit. C’était le moment de le décortiquer en se disant qu’à force de disséquer la bête, on finirait par la tuer.
CNB : Vous écrivez : « En le lisant, j’ai perçu ce qui m’avait échappé : son “je” est un “nous” intimement universel. » Qu’est-ce qui, selon vous, rend cette histoire universelle ?
Paul : Il parle de ses problèmes à lui qui, finalement, sont liés aux nôtres : que ce soit les problèmes avec soi-même, avec nos parents, ou avec notre sexualité… En écrivant, il prétend ne parler que de lui, mais j’ai l’impression qu’il parle davantage de nous. C’est aussi ça, la force de son écriture.
CNB : Adapter le livre de votre frère, c’est un projet aussi intime qu’artistique. Comment avez-vous trouvé la bonne distance entre votre lien familial et votre regard de metteur en scène ?
Paul : À partir du moment où j’ai donné la parole au père. Ce n’est plus mon père ni Panayotis ; c’est devenu un Père et un Fils. Dès que j’ai reçu le PDF et que j’ai commencé à travailler dessus, je suis tout de suite sorti de notre histoire. C’est un peu étrange, mais ça s’est fait très rapidement.
CNB : Paul, pourquoi avoir choisi Vassili pour incarner ce rôle ? Quelles qualités en lui faisaient écho au texte ?
Paul : Il fallait trouver un corps à ce fils. Un corps jeune qui vivait ce qui était écrit, donc plus jeune que celui de Panayotis. Être ce corps au moment où c’est écrit, c’est déjà traverser l’expérience de ce qui est dit. Vassili a cette grande force d’être autant un rayon de soleil qu’une ombre intense sur scène. Il est capable de nous donner envie de le serrer dans nos bras tout autant que de nous effrayer. Ces deux qualités lui permettent d'exprimer ce qui est explicite dans le texte : la souffrance physique liée à la dépression, le rapport à l'enfance, ainsi que tout ce que Panayotis n'a pas verbalement exprimé, mais que le corps révèle sur scène. Il a passé des auditions et il a énormément travaillé. Pendant une heure, on a retravaillé ce qu’il avait proposé au casting. il n’a rien lâché. Enfin si… Il a tout lâché car c’est une éponge mais il n’a rien lâché dans le sens où je suis très exigeant.
Vassili Schneider : J’avais envie d’aller au bout de ce que je voulais faire. C’est toujours frustrant quand on rencontre un metteur en scène et qu’on sent qu’on aurait pu faire mieux mais qu’on ne l’a pas fait. Je voulais me tester, me sentir valide de faire ce projet et me dire que j’en avais les capacités. Pour ça, il fallait que je le teste devant le metteur en scène en question et que j’aille jusqu’au bout.
Paul : Je t’ai travaillé au corps pendant le casting. Ça a duré une heure. Je t’ai mis dans les gradins à la place du père…Tu te rappelles ?
Vassili : Oui ! J’étais dans les gradins et Paul était sur scène. On a essayé plein de choses différentes. Ça ne faisait pas forcément sens mais le but était d’essayer !
CNB : Vassili, qu’est-ce qui vous a touché dans ce texte au point d’apprendre un chapitre entier pour le casting ?
Vassili : Pour moi, tout le chapitre était beaucoup trop fort pour m’arrêter à une seule page. Ce chapitre offrait une palette d’émotions. J’avais envie de le traverser en entier. Ce n’était pas possible pour moi de m’arrêter à une seule page. Il fallait que j’en offre le plus possible pour me sentir complet devant Paul.
CNB : Vassili, vous vous êtes fait coacher par votre père pour ce casting. Quels échanges avez-vous eus sur ce texte qui parle justement de la relation père-fils ?
Vassili : On n’est pas rentrés dans quelque chose de psychologique. Quand on travaille ensemble, on travaille plus techniquement que psychologiquement. Inévitablement, la pièce me fait penser à mon père, par exemple au sujet du contraste entre l’amour et la haine. D’ailleurs, il me le rappelait quand on travaillait ensemble. Mais au-delà de ça, on parle surtout de technique, car je n’ai jamais fait de théâtre. C’est un exercice nouveau pour moi. Avec mon père, on a travaillé deux fois ensemble, et c’était suffisant pour présenter quelque chose à Paul.

CNB : C’est votre première fois sur scène, au théâtre, et aussi votre premier rôle central. Qu’est-ce que cela implique pour vous ?
Vassili : C’est un autre monde que je découvre ! C’est aussi un rapport différent au métier et à moi-même. Je n’ai jamais autant travaillé pour un projet que sur cette pièce. Ça a été plein de phases différentes. D’abord, l’apprentissage de ce texte qui dure 1h30. Ensuite, réussir à donner sens et vérité à ce texte. Et puis, il y a toutes les phases que je traverse aujourd’hui. Par exemple, au bout de vingt jours de répétitions, je peux me dire : “Bon, ça y est, je connais la pièce, je l’ai jouée plusieurs fois. Est-ce que je vais me lasser ?” Et bien non, car il y a toujours des choses nouvelles que je découvre ! Je découvre aussi un partenaire de jeu avec qui je n’avais jamais travaillé (ndlr Yann Pradal dans le rôle du père), les directives d’un nouveau metteur en scène (ndlr Paul Pascot), et puis un public à convaincre. Même quand j’ai l’impression d’avoir fait une bonne représentation, rien ne me garantit que la prochaine sera bonne. Je redouble donc d’efforts à chaque fois. Depuis six mois et encore maintenant, je découvre tout ! J’apprends aussi énormément sur mon métier et sur mes limites en tant qu’acteur et être humain. À force de lire le texte, on croit tout comprendre, mais avant-hier, par exemple, je me suis rendu compte que j’étais passé à côté d’une phrase dont j’ai redécouvert le sens. On découvre des choses nouvelles à chaque fois, c’est fascinant !
CNB : Jouer un personnage aussi vulnérable vous a-t-il permis d’apprivoiser votre propre vulnérabilité face à cette première expérience ?
Vassili : Oui, face à cette première expérience et face à ma vie. En lisant le texte, j’ai l’impression d’apprendre plein de choses sur moi. Ce texte m’aide à approcher ma vie différemment : dans ma relation avec mes parents, avec mon amoureuse, ou avec les gens en général. Avant, je me faisais une idée du théâtre où il fallait être carré, solide, et à l’opposé de la vulnérabilité. Or, avec Paul, au contraire, on a travaillé pour être vulnérable et embrasser les difficultés. Il faut que je vous raconte quelque chose… Il y a deux jours, j’ai appelé Paul parce que j’avais peur d’avoir des trous de mémoire. Ça n’est pas arrivé, mais je ressentais cette peur. Paul m’a dit : “Les blancs de mémoire, c’est de l’élixir. Il faut les embrasser et sauter dedans.” Je trouve que c’est une belle manière de voir les choses. Tous les imprévus qu’il peut y avoir sur scène, il faut savoir plonger dedans et en tirer parti. Par exemple, à la dernière représentation, une lumière ne s’est pas allumée : problème technique. J’ai passé la scène à me demander si elle allait se rallumer. Et puis, je me suis dit : “C’est sûrement la seule fois où je pourrai jouer cette scène dans le noir.” Alors, j’ai commencé à en profiter ! Il y a toujours des erreurs, mais il faut savoir accepter les vulnérabilités de la pièce.
CNB : Paul, c’est cette vulnérabilité que vous cherchiez à montrer dans l’interprétation du texte ?
Paul : On bétonne tout pour que ça devienne un mur d’escalade. Toutes les 5 secondes, tu as quelque chose de nouveau à faire et ce sont toujours des actions. Soit des actions verbales, soit des actions physiques ou des actions de regards… Ça permet d’avoir accès à la vulnérabilité en tant que comédien. Au départ, ce sont des contraintes qui paraissent difficiles et qui peuvent donner l’impression à l’acteur de ne pas être libre mais si par exemple là, je vous dit que vous pouvez faire ce que vous voulez dans ce restaurant, vous allez faire n’importe quoi. Or, si maintenant, je vous dis que vous avez le droit de faire ce que vous voulez sur cette table, ça va peut-être devenir du génie parce qu’on va vous contraindre à un endroit qui va vous donner plus de libertés que si vous en aviez trop. Pour trouver la vulnérabilité, il faut trouver l’équilibre entre la contrainte et le plaisir, ce qui mène à la liberté. Cette liberté se trouve dans le texte, dans la création sonore, dans les lumières, et dans toute la scénographie qui contribue à créer une vulnérabilité, non seulement pour l’acteur, mais aussi pour le spectateur. Je peux l’illustrer par une histoire que j’ai raconté à Vassili : un jour, une grande tragédienne a joué une scène très dure. Elle s’est mise à pleurer sur scène, et c’était magnifique. En sortant, elle a dit à son metteur en scène qu’elle était fière de sa prestation. Il lui a répondu : “Je sais que tu as bien joué, mais ce n’est pas toi qui dois pleurer. C’est moi.” Ce que je veux dire, c’est que Vassili a réussi à trouver cette force. C’est un acteur magnifique et une véritable éponge. T’es ultra balaise Vassili parce qu’en plus, je suis exigeant !
Vassili : Paul est exigeant, mais il m’a aussi laissé une grande liberté de proposition. Jusqu’à la veille de la première, j’ai proposé des idées. Paul en acceptait certaines, en rejetait d’autres, mais il était toujours très à l’écoute. Mon but était de comprendre ses envies et de faire rire.
Paul : Deux jours avant la première, toute la scène qu’il avait préparée et jouée au casting, je l’ai faite sauter !
Vassili : Oui ! Le tout début de la pièce en plus. Une scène très forte en émotion. Deux jours avant, il m’a dit qu’on gardait seulement la première phrase “Je crois qu’il va bientôt mourir” mais que le reste de la scène allait être coupée… Je lui ai fait confiance.
Paul : C’est cette grande confiance qui crée cette vulnérabilité. On a vraiment confiance l’un envers l’autre !
CNB : Ce texte parle de blessures intimes. Avez-vous puisé dans votre propre sensibilité ou vécu personnel pour donner vie à ce rôle ?
Vassili : Non, parce que je n’ai pas le même vécu que le personnage. Je ne peux pas m’appuyer sur mon expérience à chaque fois que je joue un rôle. Il faut simplement que je comprenne le personnage et que j’aie de l’empathie pour lui afin de pouvoir l’interpréter. Ici, c’est facile d’avoir de l’empathie pour lui, car il est décrit avec une telle précision qu’on le comprend immédiatement. C’est facile pour moi de l’incarner. Je n’ai pas besoin de creuser très loin pour le saisir. Cependant, certains aspects me parlent. Par exemple, quand il raconte que sa maman stocke tout parce qu’elle a peur que le passé ne s’efface, cela me fait penser à ma propre mère. Pendant cette scène, je pense à elle, à ses appels réguliers pour me demander si je me sers toujours de mon snowboard, auquel cas elle le mettra en vente. Cela me rappelle aussi tous ces moments où elle m’attendait toute la journée au skatepark… Tout cela m’émeut profondément. Je peux évoquer ces souvenirs dans ma tête, mais je ne peux pas penser à cela sur scène. Sinon, je ne serais pas dans l’instant. Ça fait écho, ça me touche, mais je suis obligé d’être pleinement dans le moment, car ce n’est pas mon histoire que je raconte.

CNB : Paul, vous avez décidé de “traiter le récit par tableaux”. Qu’est-ce que cela implique pour la mise en scène ?
Paul : Je travaille de la même manière avec la Compagnie Bon-qu’à-ça, dont je suis le directeur artistique, et avec laquelle je fais des spectacles depuis huit ans. Pour moi, c’est comme composer des peintures : cela se traduit dans le son, la lumière, et la manière dont les corps se posent sur scène. À chaque instant, on crée un tableau. Cette succession de tableaux produit l’émotion que je cherche à transmettre. Ce n’est pas une simple succession de scènes, car dans chaque tableau, il y a plusieurs scènes imbriquées. À travers ces tableaux, on avance, on ajoute de nouvelles couleurs à l’œuvre, de nouvelles sonorités… Cela devient un théâtre de sensations. La Compagnie Bon-qu’à-ça est symbolisée par un trombone parce qu’un trombone n’est bon qu’à ça : tenir des feuilles entre elles. Mais, si on l’utilise bien, il est possible d’ouvrir n’importe quelle serrure avec. Nous venons de banlieue, du 91, où nous n’avons pas eu beaucoup accès au théâtre dans notre jeunesse. Chaque sortie au théâtre avec l’école me faisait me sentir bête ; j’avais l’impression de ne rien comprendre et d’être exclu. À 19 ans, après être rentré de Kinshasa, où j’ai découvert le théâtre, j’ai compris l’importance de rendre ce que l’on crée accessible à tous. La seule manière que j’ai trouvée, c’est de passer par les sensations. Les tableaux agissent comme des premières impressions : comme un tableau exposé, ils nous attirent ou non. On travaille également sur ce que j’appelle des goals. Vassili, tu veux expliquer ce que c’est ?
Vassili : Les goals…Toutes les scènes convergent vers un point précis : la phrase qui débloque tout le reste. Parfois, une scène peut sembler longue ou floue, mais il y a toujours une phrase qui viendra lui donner son sens et sa force. Les goals, ce sont les clés de chaque tableau.
CNB : Vous commencez la pièce par la voix du père, qui s’adresse au fils en lui donnant un conseil : “jouer une scène dramatique des deux côtés de l’échelle des possibles”. Que voulez-vous dire ?
Paul : Dans le texte initial de Panayotis, c’est un de ses professeurs de théâtre qui lui donne ce conseil, pas le père. J’ai choisi de donner cette phrase au père, car c’était une manière de le placer à côté de son fils. Lui donner cette parole-là - qui est un conseil- c’est donner au fils la possibilité d’être dans le réel et de lui dire que c’est à son tour d’être dans la lumière. Le simple fait qu’il donne un conseil, ça veut dire qu’il est à côté et avec lui. Ce tableau n’était pas présent au départ mais quand j’ai rencontré Vassili, j’ai eu envie de le mettre. Pour moi, c’était un lien à Vassili.
CNB : Commencer par la voix du père, c’est aussi un symbole fort puisque vous avez décidé de lui redonner une voix dans cette pièce, là où le livre le mettait sous silence. Pourquoi ?
Paul : Parce que je trouvais injuste de ne pas lui donner la parole. Un jour, Panayotis est venu chez moi et a vu la phrase “Je ne suis jamais allé voir un psy, moi” attribuée au père. Il m’a dit que je ne pouvais pas lui donner cette phrase. Je lui ai répondu que ce père n’était pas le nôtre : c’est un père universel. Il fallait redonner une place au père pour trouver une bonne distance et pour faire théâtre. Vassili a 97 % du texte sur scène, mais le rôle principal reste le père. C’est parce que le père est central que le fils devient celui qui le fait parler, même pour le peu de mots qu’il dit. Ce sont les derniers mots du père. Je trouvais ça juste qu’il y ait un échange qui s’opère entre eux.
Vassili : Moi, je n’ai jamais su si le père qui était dans la salle, c’était réellement le père ou le fantôme du père. J’aime imaginer que c’est potentiellement un fantôme… Qu’il n’est pas vraiment palpable, qu’il existe presque uniquement dans ma tête et pas pour les autres spectateurs. Dans le livre, il y a une phrase – qui n’est pas dans la pièce : “Tu nous as colonisés et tout ce que je fais, je le fais pour toi. Tu es en moi, tu es en nous, tout le temps”. Elle évoque cette idée d’être "colonisé" par son père. Et je pense que c’est exactement ça. Le fils monte son spectacle pour se livrer, mais il y a ce père qui lui coupe la parole, qui ne le quitte jamais et qui reste toujours au fond de sa tête. J’aime imaginer que c’est ce fantôme du père qui est présent.
Paul : C’est parce que le père est le personnage principal aux yeux du fils que ce dernier tente de s’en émanciper en revisitant tous les souvenirs qui les lient…
Vous évoquez la nécessité de “dessiner l’espace dans lequel faire évoluer ce dialogue” (p.16). Selon vous, en quoi le théâtre constitue-t-il un lieu privilégié pour faire vivre un dialogue ?
Paul : Parce que là, en plus, c’est presque un trio. Il y a trois adresses différentes : l’adresse à soi-même, l’adresse au père et l’adresse au public. Finalement, le public devient le complice du père, son témoin silencieux. C’est complexe d’être spectateur d’un spectacle qui cherche à retenir celui qui est sur le point de partir. Et je pense qu’il est essentiel de continuer à se rassembler dans les théâtres, à vivre ces moments de communion ensemble !
Vassili : Ah ! J’ai remarqué quelque chose. Je pense que c’est très rare les personnes qui ont lu le livre avec leurs parents. À l’inverse, il y a beaucoup de gens qui viennent avec leurs parents voir la pièce et qui, forcément, se reconnaissent dans cette relation. Ils regardent le spectacle et pensent à leur père ou à leur mère assis à côté d’eux. Ils remettent en question leur propre lien familial. Et inversement, le parent se questionne sur son enfant. Dans une même salle, il se passe des énergies puissantes entre les spectateurs ; c’est vraiment palpable. Après chaque représentation, je discute avec le public et je vois les larmes des parents, autant touchés que leurs enfants. Certains m’ont confié qu’ils ressentaient une expérience commune dans la salle, une vraie communion.
Paul : Une étude scientifique a d’ailleurs montré que, lors d’opéras ou de concerts de musique classique, les cœurs des spectateurs battent à l’unisson à un moment précis du spectacle. C’est ce que j’entends par communion. Je ne prétends pas recréer cela, mais les tableaux de la pièce permettent quelque chose de cet ordre. Avec ce spectacle, j’avais besoin de briser le quatrième mur et d’en faire un pont. C’est pour cela que Yann Pradal (ndlr : le rôle du père) se trouve dans le public. Cela permet de casser cette frontière et de poser la question : à quel moment tout cela se rejoint ? On ne résout pas cette question dans la pièce. On laisse aux spectateurs la liberté de trouver leur propre réponse. Mais ils vivent quelque chose de collectif, et j’espère que cela touche leur sensibilité.
CNB : On parle de dialogue mais le silence a aussi une place très importante dans le roman. Je pense notamment au silence de la campagne, et à cette phrase du livre qui revient comme un refrain « de la soupe, des lentilles et du silence »… Quel a été le rôle du silence dans votre adaptation ?
Paul : Je pense que c’est aussi pour cela que l’histoire se déroule dans une salle d’attente. De l’attente et du silence naît la parole. De la réflexion naît la possibilité de s’exprimer. Il fallait trouver l’origine de ces réflexions et leur donner corps. Tout commence avec le silence, car le silence, c’est le point de départ. Pour pouvoir parler, il fallait partir de rien.
CNB : En tant qu’acteur, comment fait-on pour "faire exister" le silence sur scène ?
Vassili : En pensant et en réfléchissant vraiment. Tout au long de la pièce, je me pose des questions. Je ne fais pas semblant ; je me les pose en même temps que le personnage, et je prends le temps d’y réfléchir. On parle beaucoup du silence et on en crée énormément.
Paul : Dans l’adaptation, structurer une parole qui émane d’un récit pour la transformer en action était un énorme défi. L’adaptation textuelle a pris neuf mois. On a travaillé une semaine à la table avec Vassili pour affiner une grande partie de l’adaptation. Il fallait tester, ajuster, revoir ce qui fonctionnait ou non, décider quelles phrases donner au père, ajuster les temps, les adresses, ou encore l’ordre des séquences…
Vassili : Et les silences permettent aussi au public de se poser les mêmes questions que le fils. Pendant ces silences, les spectateurs entendent plein de choses dans leur propre tête.
Paul : Ce sont des respirations. Et ces respirations sont aussi importantes pour les spectateurs. Elles permettent une pause commune, car le spectacle est très dense. À la première, quand j’ai vu que la moyenne d’âge dans la salle était de 19 ans, je me suis dit : "On a affaire à des jeunes qui consomment des contenus courts sur les réseaux sociaux, alors qu’ici, c’est une pièce très dense". Je me demandais comment cela allait se passer. Mais je n’ai vu personne sortir son portable. Cela m’a bouleversé. Je me suis dit que le problème n’était pas les jeunes, mais ce qu’on leur proposait. Continuons de rêver, de créer à notre rythme, d’offrir des sensations et de nourrir les spectateurs !
Vassili : Tous les soirs, plusieurs spectateurs me disent que c’était leur première fois au théâtre. Je suis fier qu’on ait réussi à attirer des gens qui n’étaient jamais venus et à les garder captivés ! Qui sait, peut-être qu’on leur a donné envie de voir d’autres pièces.
CNB : Il y a aussi une volonté de briser ce silence. Je pense notamment au mot "homosexualité", écrit pour la première fois par votre frère dans ce livre. Il disait que c’était plus simple de l’écrire que de le dire. Pourquoi était-il important de conserver ce passage et de le faire entendre sur scène ?
Paul : Parce que cela fait partie de la relation au père. Je voulais que le fils soit face au père et que le père soit face au fils dans cette révélation. Quand j’ai écrit cette adaptation, je n’étais que fils. À la Première, j’étais un jeune père, ma fille venant de naître le 12 septembre. J’espère avoir l’oreille et le regard pour accompagner ma fille, peu importe les chemins qu’elle empruntera. C’est de cela que parle ce texte : de cette perte en tant que père, quand on n’est pas suffisamment à l’écoute et qu’on s’éloigne, provoquant des traumatismes qui durent longtemps. Le traumatisme qu’a traversé Panayotis dans la découverte de son homosexualité aurait peut-être été moins douloureux si le regard du père avait été plus présent.
Vassili : La pièce traite de cette incapacité à dire les choses et à se laisser traverser par les sentiments. À un moment, le personnage parle de "ce combat qui n’appartenait qu’à moi". Il connaissait son homosexualité pendant huit ans, mais il n’a pas osé la dire, même à lui-même. Il n’arrivait pas à prononcer ce mot. Et là, il brise tous les murs en le disant à son père.
Paul : C’est d’ailleurs l’un des premiers reproches qu’il fait au père. Il lui dit : "Si tu veux dire, tu dis !" En tant que parents, si nous montrons à nos enfants qu’ils peuvent parler, cela ouvre des portes et leur évite de devenir des volcans prêts à exploser à 18 ans.
CNB : La dimension du corps est également très importante dans la pièce. Pour traduire cela sur scène, vous avez emmené Vassili en salle de danse… Comment cela s’est-il passé ?
Vassili : On a travaillé pendant deux semaines dans un espace encore plus grand que la scène sur laquelle je joue actuellement. Quand je suis arrivé dans le décor réel, je n’ai donc eu aucun mal à m’approprier l’espace, car j’avais déjà exploré un cadre plus vaste. Ensuite, il s’agissait d’intégrer les émotions, les sensations et les mots dans mon corps pour créer des images à travers mes gestes. Ces mouvements construisent en permanence des images sur scène. Ce n’est pas quelque chose de naturel pour moi. Au cinéma, c’est très différent. Là, il a fallu que j’accepte que ce ne soit pas toujours réaliste.
Paul : En venant du cinéma, c’était aussi ton combat…Dans cette pièce, tout ce qui n’est pas dit dans le texte est exprimé par le corps. C’était beau de te voir traverser toutes les étapes pour y parvenir !
CNB : On parle du travail du corps, mais je pense aussi au travail du rythme… Au théâtre, contrairement au cinéma, c’est l’acteur qui impose le tempo. Comment avez-vous abordé cette question ?
Vassili : C’était un travail à la fois avec Paul et avec moi-même. Il fallait que j’accepte l’idée de ne pas ennuyer le spectateur même si je prends 15 secondes pour dire une phrase. J’ai aussi dû comprendre que parler à toute vitesse n’a rien de réaliste, mais peut créer une image poétique pour le spectateur, qui n’ira pas se dire : "Dans la vie, on ne parle pas comme ça." Ce n’est pas ce qu’on cherche ! On cherche à créer une image, une couleur, et c’est ce qu’on a développé avec Paul. J’ai vite compris que nous étions davantage du côté de la poésie, et que le réalisme n’était pas une priorité.

CNB : Le texte de Panayotis est traversé par des métaphores puissantes, comme celle du père décrit comme un « soleil ». Comment transpose-t-on cette poésie sur scène ? Quels outils utilisez-vous pour lui donner vie ?
Paul : Je travaille avec les mêmes personnes depuis huit ans. On est une équipe pluridisciplinaire et intergénérationnelle. Le plus jeune, Léo Nivot, a 25 ans, et je l’ai rencontré lorsqu’il en avait 16. Dominique Borrini, qui a 65 ans, est éclairagiste d’opéra. Notre force réside dans la résolution collective des problématiques artistiques. On veille à ce que ce qui se passe sur scène serve soit le texte, soit l’interprète. Donc, pendant qu’on explore les mouvements corporels en salle de danse, on réfléchit en parallèle à l’agencement du décor, à la spatialisation sonore — avec sept enceintes réparties sur scène — et à la mise en lumière. Pour le son, nous travaillons sur des effets qui jouent avec les bruits venant de l’avant et de l’arrière, créant une illusion où la musique semble résonner directement dans l’esprit du spectateur. Quant à la lumière, Dominique privilégie des lignes franches pour donner un cadre visuel fort. On arrive à créer un ensemble grâce à la communion des artisans.
Vassili : Paul cherche souvent à suggérer et à faire ressentir sans trop expliciter. Le jeu de lumière et de musique crée un univers qui exprime parfois mieux certaines phrases que si je les prononçais. Ça permet au spectateur de recevoir le message de manière presque inconsciente.
CNB : Il y a une phrase dans le livre de votre frère qui dit : "C’est nous que tu devrais réparer. On est six enfants, six ratés du cœur, parce qu’ils sont pleins d’échardes, et tu vas partir sans que rien de tout ça ne change." Le livre a permis à Panayotis de se réparer. Mais qu’est-ce que le théâtre peut "réparer" de plus que l’écriture ?
Paul : Je pense que ce processus de réparation sera perpétuel. En montant cette pièce, j’ai cherché à résoudre quelque chose en moi, avant de devenir père, et aussi à rompre un cycle qui pourrait se transmettre de génération en génération. C’est aussi pour moi que je l’ai fait. J’ai l’impression que poser ce dialogue m’a libéré d’un poids. Je ne voulais pas tout résoudre sur scène, mais cela m’a permis de continuer à avancer.
CNB : Vos parents ont-ils vu la pièce ?
Paul : Oui, mes parents sont venus à la Première avec des boîtes de mouchoirs. Mon père a gardé son manteau et son chapeau. Avant que la pièce ne commence, je lui ai demandé s’il voulait les enlever. Il m’a répondu, sèchement : "Non, je suis bien là." C’était comme s'il avait déjà froid… Il a donc gardé avec lui son gros manteau et sa boite à mouchoirs. J’étais derrière, en train de regarder et de vivre la pièce. Ses premiers mots ont été dit quand il a vu que c’était Yann qui jouait le père : “Lui, c’est moi ?!”. Il a ensuite tiré ses mouchoirs, en a donné à ma mère et aux personnes à côté de lui…
CNB : Qu’a-t-il dit après avoir vu la pièce ?
Paul : "J’ai deux remarques à te faire." L’une était personnelle, donc je préfère la garder pour moi. L’autre, c’était : "J’ai 496 cadres, alors tu pourrais au moins dire plus de 400 au lieu de 200 !" Ce sont ses vrais cadres que l’on voit sur scène. Il m’a fait une sélection et on en a gardé à peu près 25.
CNB : Dans un passage du livre, Panayotis vous demande votre avis. Vous lui répondez : "Nos sentiments, nos appréciations, nos gnagnagna ne doivent pas devenir une variable d’ajustement pour ton art." Avez-vous gardé cette même distance en tant qu’adaptateur ? Panayotis a-t-il participé au processus ?
Paul : Rien, zéro. De la même façon, lorsque nous avons reçu les épreuves du livre, je n’ai fait aucun retour. En revanche, mon père lui a fait dix mille retours - notamment sa biographie complète qu’il voulait mettre dedans- mais c’est là qu’il est magnifique. Mon père a énormément d’amour et de force pour nous et je pense qu’il a peur de ne pas exister et de partir sans laisser quelque chose alors qu’il a laissé beaucoup et pour tout un tas de gens. Je crois que c’est la personne qui a aidé le plus de gens dans sa vie. On en a beaucoup parlé. J’espère qu’un jour, il sera en paix avec le fait qu’il a laissé beaucoup de choses. J’espère qu’il se dira qu’il peut prendre le temps de se reposer, de prendre plaisir à écouter de la musique ou juste prendre du temps en silence… En fait, mon père ne connaît pas les silences dans sa vie. Il les connaît dans l’échange mais dans sa vie, il ne peut pas les connaître. Tous les endroits vides doivent être remplis par quelque chose. Faire, faire, faire… Et c’est vrai que dans la vie n’a de valeur que l’acte… Pour en revenir à la question, Panayotis n’a pas eu de part dans le processus de création. Il m’a demandé s’il pouvait venir en répétitions, ce qu’il a fait et au bout de 30 secondes, il pleurait.
CNB : Vassili, quel conseil vous a donné Panayotis ?
Vassili : Il m’a proposé qu’on prenne un café pendant que je me préparais. J’en avais vraiment envie mais je sentais que j’avais besoin de m’éloigner du père de ce texte et de trouver une bonne distance. J’en avais besoin pour mon bien, pour ne pas me sentir redevable et pour ne pas essayer de le copier.
Paul : Comme je le connais, je sais que s’il t’as dit ça, c’était pour te faire comprendre que si tu avais besoin de quoique ce soit, il serait là.
Vassili : Il a été très généreux là-dessus parce qu’il voulait être présent avec énormément de bienveillance. Je me disais qu’un jour, on prendrait un café et je ne l’ai pas fait car j’avais peur aussi… C’est pas évident d’être dans ce rôle !
CNB : A-t-il apprécié la pièce ?
Paul : Il me dit qu’il n’entends plus ses mots… Et moi je ne les entends plus non plus. C’est une libération pour lui. On n’a jamais traité Panayotis ou notre père, on a traité une relation père/fils. Je sais qu’il y a des endroits qui doivent le bousculer parce que j’ai mis un corps sur tout ce qu’il a vécu mais je crois qu’il est très fier de notre travail et très heureux de ne pas avoir fait de compromis. Car c’est vrai, que ce soit dans le travail de Vassili, de Yann ou de toute l’équipe de création, on n’a fait aucun compromis. On a fait tout ce qu’on devait faire, avec justesse.
CNB : Vassili, qu’avez-vous découvert sur vous-même grâce à cette expérience théâtrale ?
Vassili : J’ai tendance à avoir une barrière émotionnelle que je me crée et dont je pouvais être fière mais à force de dire le texte et de le comprendre, je me rends compte que c’est quelque chose sur quoi je dois travailler. J’ai appris que cette barrière émotionnelle m'empêchait de vivre. Elle me permet d’encaisser les coups sans faillir. Mais je réalise aussi que cela m’empêche parfois de vivre pleinement et de toucher les vraies couleurs de la vie. Ça peut être handicapant d’avoir un gros bloc de béton entre soi et le monde. Quand j’ai passé le casting et que j’avais remarqué que ça s’était très bien passé, j'espérais ne pas avoir le rôle parce que ça me faisait trop peur. Première fois au théâtre, 1h30 sur scène à assurer 95% du texte… C’est terrorisant. Une fois que j’avais commencé le travail, ça allait parce que je voyais ce sur quoi je pouvais travailler… Or, avant d’avoir les choses en face de moi, je me disais que tout ça allait aboutir ensuite à un an de dépression à cause du stress que ça allait me procurer.
Paul Pascot : J’ai senti ça ! J’ai vu que tu te demandais dans quoi tu t’embarquais, mais je me disais que c’était bien que tu ne le saches pas, car on allait partir de zéro.
Vassili : Je n’arrivais même pas à m’imaginer jouer cette pièce sur scène…
Paul : C’est pour ça que j’ai décidé d’ouvrir les répétitions au public : pour te former et pour que tu comprennes ce qu’est l’adresse. Pour t’entraîner à dialoguer avec des gens qui ressentent des choses intérieurement mais ne les expriment pas forcément. J’avais besoin qu’il casse le quatrième mur et qu’il comprenne que ce n’était pas une simple représentation théâtrale, mais plutôt un témoignage ou un souvenir commun. C’était beau de voir la réaction des gens. On parlait avec eux de ce qu’ils avaient vécu et on avait un retour direct. On a fait ça presque 20 fois. Ça permettait de raconter l’histoire aux autres.
Vassili : En effet, ma première représentation officielle n’était pas vraiment ma première. Dès les répétitions, j’ai toujours joué devant un public. Et grâce à cette pièce, j’ai compris que j’ai besoin de projets qui me font peur pour être heureux. Aujourd’hui, je me sens plus vivant que jamais car j’ai l’impression d’être un funambule qui risque de se casser la gueule du 300e étage à tout moment. Je me sens vulnérable et c’est ça qui est intéressant.
CNB : Vous avez dessiné des illustrations pour l’adaptation du texte. Qu’est-ce qui vous a poussé à traduire cette pièce en dessins ?
Vassili : J’ai commencé à dessiner au printemps dernier en tournant un film sur les impressionnistes du XXe siècle. Quand je terminais de tourner le film, je continuais de dessiner et la passion du dessin est restée. Quand on a commencé à travailler la pièce avec Paul, je pensais constamment au texte. J’avais des phrases qui résonnaient en moi sans cesse. C’était comme une petite musique qui ne me quittait pas. Après les répétitions, j’allais souvent manger seul dans un restaurant car j’avais besoin de silence. A cette occasion, je dessinais ce qu’on venait de travailler. Ça devenait instinctif. J’avais besoin de visualiser ce qu’on faisait parce qu’à l’époque, on n’avait pas encore de décor. On était sur des chaises dans une salle de danse donc j’avais besoin de fabriquer un décor et des images qui répondaient aux phrases. Les phrases sont parfois très abstraites et j’avais envie de leur donner une forme. Quand je rentrais du déjeuner, je montrais ce que j’avais fait à Paul, qui m’a tout de suite demandé d’en faire un tous les jours. Comme on a eu deux semaines de répétitions, ça a donné à peu près 16/17 dessins.
Paul : Ce qui est formidable avec Vassili, c’est qu’il ne se contente pas de faire ce qu’on lui demande. Il va toujours plus loin, en apportant des idées qui enrichissent la création.
CNB : Selon vous, quelle est la force principale de cette pièce sur scène ?
Vassili : Pour moi, c’est l’universalité. On raconte une histoire très précise, celle d’une personne, mais elle touche tout le monde. Impossible de ne pas trouver un écho en soi.
Paul : La force vient aussi du travail collectif. Pour moi, c’est l’alliance de toutes ces forces de travail et toutes énergies créatrices qui ont œuvrées dans le même sens : Vassili, Yann Pradal, Christian Geschvindermann, Marguerite de Hillerin, Léo Nivot, Dominique Borrini, Clément Desoutter, Shanti Mouget… Ce qui fait la force de notre travail, c’est que c’est un travail collectif. Comme on converge tous dans un seul sens, ça ne peut pas s’effondrer. On ne peut pas douter de ce qu’on a fait car on a résolu tous les problèmes qu’on avait et on l’a fait collectivement. Je pense que c’est ça le théâtre et que c’est ce qui permet de faire communion sur scène !
© Pauline Mugnier
"La prochaine fois que tu mordras la poussière" est adapté du roman de Panayotis Pascot et mis en scène par Paul Pascot à Paris au Petit St-Martin. Plus d’informations et réservations sur : :https://www.portestmartin.com/la-prochaine-fois-que-tu-mordras-la-poussiere
Le livre de l’adaptation théâtrale est édité chez Stock - textes de Paul Pascot, dessins de Vassili Schneider.
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